Paul Biya accède à la magistrature suprême le 6 novembre 1982 sous le double signe de la rigueur et de la moralisation. L’homme est adulé de tous ses compatriotes, ou presque. Son profil d’ancien séminariste présage une époque plutôt souple de la vie de la Nation, par rapport à l’époque de son prédécesseur Amadou Ahidjo qui, selon certains observateurs, pourrait se faire appeler “époque liberticide”. Paul Biya marque aussi le début de son règne par le libéralisme communautaire dont il avait consigné l’adhésion dans son ouvrage intitulé “Pour le libéralisme communautaire”. L’ancien séminariste fait cependant face à une tentative de putsch, deux années seulement après son accession à la magistrature suprême. Dans son discours après le retour au calme, il explique que “des éléments de la Garde Républicaine ont entrepris la réalisation d’un coup d’État”.
Le digne fils de Mvomeka’a vient ainsi d’échapper au pire grâce à une bonne partie de l’armée nationale restée loyale. La tentative de putsch du 6 avril 1984 est sans doute la première épreuve du renouveau.
Sur le plan économique, le pays confié à Paul Biya vit grâce aux plans quinquennaux en vigueur depuis les indépendances. Six plans quinquennaux au total ont été mis en œuvre dont cinq sont arrivés à terme, le sixième interrompu en 1987 par une violente crise économique.
L’homme du 06 novembre qui, dans sa posture première, n’a rien à négocier avec les institutions de Bretonwood, s’en remet à celles-ci pour une assistance, question de sauver ses compatriotes des conséquences graves de la récession économique.
La perfusion administrée au Cameroun par la Banque Mondiale et le FMI n’était autre que les programmes d’ajustement structurel. Ce sont des politiques économiques mises en place par le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale dans les années 1980 et 1990. Ces politiques économiques ont l’importante mission de réduire les déficits budgétaires, de combattre l’inflation et de promouvoir la croissance économique en réformant les secteurs clés de l’économie, tels que l’agriculture, l’industrie et le commerce extérieur.
C’est donc à partir de 1988 que le Cameroun expérimente ses premiers programmes d’ajustement structurel. Les populations vulnérables en payent le plus lourd tribut, en raison de l’inique tendance de ces programmes à réduire les dépenses sociales et à augmenter les prix des biens de première nécessité. Il faut donc avoir la sagesse, le courage, la détermination du digne fils de Mvomeka’a pour prendre fait et cause en faveur des populations exposées à la famine, au chômage, à la maladie, etc, et surtout de leur faire entendre raison. La perfusion administrée au Cameroun par les bailleurs de fonds contient ainsi des ingrédients nocifs pour la masse populaire, à l’instar de la réduction des effectifs de l’État, le gel des concours officiels, la baisse drastique des salaires des fonctionnaires et autres agents publics, le passage du Cameroun du statut de pays à revenu intermédiaire au statut de pays pauvre très endetté (PPTE), etc.
Un malheur ne venant jamais seul, Il est un peu plus de 20h50, le 11 janvier 1994 lorsque l’annonce de la dévaluation du franc CFA est faite officiellement. La monnaie camerounaise vient ainsi d’être dévaluée de 50 %, après quarante-six ans de parité fixe avec le franc français. Un autre coup dur pour l’économie camerounaise, que l’homme du 6 novembre 1982 doit gérer de manière à apaiser la souffrance de ses compatriotes, à leur redonner espoir d’une situation économique meilleure. La tâche ne peut pas être facile pour le Chef de l’État camerounais car, comme l’atteste un adage populaire : “ventre affamé n’a point d’oreilles”. C’est la période qu’on qualifie à tort ou à raison d’années de braise.
Cependant, il faut déplorer qu’à même période, alors même que les populations souffrent atrocement des affres de cesdits plans d’ajustement structurel et des conséquences de la dévaluation du FCFA, certains responsables haut placés, se paient le luxe de “s’enrichir sur le dos de la fortune publique” comme le déplore Paul BIYA, lors de son discours de campagne électorale à Monatélé en 2004. S’en suit alors une série de mesures visant à tordre le coup aux “bandits à col blanc” comme le dit encore”l’homme lion”. Conac, Consupé, Anif, le Tcs sont diverses réactions de Paul BIYA, face à la corruption qui essaime dans son pays. Il n’y a faire un tour à Kondengui, à Yaoundé ou même New-Bell, à Douala, pour se rendre compte du nombre exponentiel de prisonniers pour “atteinte à la fortune publique” et tous ou presque des grosses légumes du régime.
UNE SITUATION POLITIQUE DÉLICATE
De plus, le vent de la démocratie souffle en Afrique dans les années 1990. Le multipartisme divise les camerounais, les frères d’hier se regardant en chien de faïence en raison des divergences d’opinions. Cette nouvelle réalité entraîne aussi le divorce entre les masses populaires et les gouvernants. Le respect des institutions publiques devient au jour le jour un lointain souvenir. La scène politique plurielle n’apporte pas encore le changement souhaité à cor et à cris par les leaders d’opinion. Face aux agitations vécues ça et là, Paul Biya prône une démocratie apaisée, il privilégie le dialogue, ce qui met le pays à l’abri du chaos: “l’agitation n’est pas signe de vitalité”, lance-t-il. Cependant, chaque citoyen camerounais est libre d’exprimer son mal être par le canal qui lui plaît.
Au sujet de la crise séparatiste qui secoue le pays dans les régions du Nord Ouest et du Sud Ouest, le numéro 1 camerounais multiplie des initiatives en faveur du retour de la situation de paix dans ces régions, de même que dans les régions septentrionales victime de la guerre de Boko Haram dans le bassin du Niger.
La politique étrangère, du chef de l’État camerounais est aussi encadrée par sa logique de dialogue, de négociation qui d’ailleurs prévaut dans le règlement du conflit transfrontalier entre le Cameroun et le Nigéria au sujet de la presqu’île de Bakassi. En effet, après la période de transition de cinq ans fixée par l’accord historique de Greentree, signé le 12 juin 2006, le Cameroun retrouve le 14 août 2013 la plénitude de sa souveraineté sur la péninsule de Bakassi. L’accord de Greentree est signé entre le Président Paul BIYA, l’ancien Président du Nigéria, OLUSEGUN OBASANJO, et l’ancien Secrétaire Général des Nations Unies, KOFI ANNAN, en présence de quatre Etats témoins à savoir, les Etats-Unis, la République Fédérale d’Allemagne, la France, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.
Maintenir le Cameroun debout pendant 41 ans dans un contexte aussi difficile relève d’un exploit. Et c’est certainement l’une des raisons pour lesquelles les appels à la candidature du président Biya fusent de partout chaque fois que l’élection présidentielle s’annonce au Cameroun.
En 41 années à la magistrature suprême, “l’homme lion” a plié, mais n’a pas rompu.
Suzanne NDJANA